Gabrielle uniquement

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dimanche 28 mai 2006

Communication d'incendie : le théâtre du crime

Où Gabrielle tente de livrer ses vertiges
Propylées d'un récit

Les émotions ont ceci de particulier qu'elles vous dévoilent la réalité avec une rare acuité, celle qui vous fait goûter aux saveurs les plus fines, les plus suaves et les plus rares, celle qui va vous permettre de saisir l'infini contenu dans l'instant fugitif. Mais les émotions se vivent, elles ne se collectionnent pas, elles ne se rangent pas sagement dans un coin de votre mémoire, elles se déchaînent, s'enchaînent et vous entraînent dans une réalité qui n'appartient qu'à vous, loin des chronologies fidèles, des procès-verbaux détaillés ou des récits serviles.
Les émotions m'ont prises, plus riches et plus troublantes que jamais. Les émotions m'ont emportées, plus loin et plus profondément que jamais. Elles m'ont laissé des souvenirs chatoyants, brûlants et étourdissants mais confus. Vérité et réalité sont devenus des traîtres mots, seule la fièvre et l'ivresse se sont incrustées sous ma peau.

Acte I — scène I

Cacher sous ma plus belle écharpe de soie un décolleté vertigineux, gainer mes jambes de bas et les jucher sur des escarpins altiers et ne s'embarrasser de rien d'autre que de cela ; si ce n'est de ma folle impatience et de l'avidité que j'ai de lui ; si ce n'est de mon corps qui crie, qui s'échappe à mon contrôle pour réclamer d'être sous le sien.

Acte I— scène II

Courir faisant fi de ces talons inaccoutumés, trousseau de gêolière dans une main et le coeur à l'envers dans l'autre, la télécommande à bout de bras pour lui ouvrir mon âme débordante. Et à l'heure de foncer rejoindre la quiétude d'un appartement vide, sentir son bras interrompre brutalement mon mouvement pour me ramener puissamment à lui et enfin goûter l'étreinte comme on s'abreuve à la bouche de l'autre : avec insatiabilité et intempérance.

Acte II — scènes sans dessus dessous

Peut-être a-t-on dîné, je ne m'en souviens pas. De faim, je n'en avais qu'une seule et c'était de lui. Elle était grande comme un trou noir dans lequel j'ai sombré.
Offerte je l'étais, plus que jamais, plus que tout. Ouverte, séduite, conquise. Je n'avais d'autre dessein que d'être à lui, d'autre désir que de lui appartenir, le reste s'est envolé dans le tourbillon de nos émotions partagées.
Je me rappelle pourtant m'offrir aussi à l'odeur du savon, à la tiédeur du coton humide qu'on frictionne sur la peau, à l'irréversibilité du rasoir, à la caresse de la lame, à la rigueur des ciseaux. J'ai oublié mes réticences, mes hésitations, j'ai piétiné ma réserve pour écarquiller mes jambes, tendre mon bassin et cambrer mes reins. La seule chose qui m'importait était d'être celle qu'il voulait que je sois et le vertige était d'autant plus grand qu'il venait vaincre mon embarras, preuve que j'étais sienne bien plus intensément puisqu'il me fallait ployer ma volonté pour m'emparer de la sienne.

Acte III — scène unique

Les yeux clos, éperdue, déconcertée par le bruissement du papier de soie. Un imperceptible tintement de métal m'évoque à raison le frémissement de la boucle d'un collier entre ses doigts habiles. La douceur du cuir poli sur ma peau, son inexorable force lorsque l'objet enserre mon cou, me font presque défaillir. Je suis dorénavant à lui et si d'ores et déjà je le savais, c'est aujourd'hui que j'en reçois le plus absolu des symboles. Aveugle, je fais courir ma main sur le torque et découvre qu'outre la douceur du cuir s'allie la vigueur du bronze. Menée devant la glace quand mes yeux ont croisé l'objet j'ai cru que j'allais pleurer tant sa beauté m'a saisie. Jamais je n'aurais rêvé de ma vie porter de si beau bijou, de si puissant mais aussi de si somptueux. Et quand on sait qu'il est façonné des mains même de celui à qui il me lie, cela instruit sur la profondeur du trouble et l'intensité des émois que cela me procure.

Acte IV — pèle-mêle de scènes toutes singulières mais néanmoins enchevêtrées

Des cordes qui me ceignent et que soudainement je crains. Des cordes où mes poignets se suspendent pour mieux me dérober au châtiment dont je rêvais pourtant. Peur sourde mais invincible et avant même d'y avoir seulement goûté. Pinces si désirées, si redoutées, vous ne mordrez pas mes seins maintenant. Je vous regrette d'autant plus amèrement, je vous espère d'autant plus ardemment, je vous attends d'autant plus intensément. Et aujourd'hui tant marrie de vous avoir fuies, je me prends à rêver qu'un jour, sans aucun lien, si ce n'est le soin de sa voix,  je saurais tendre à sa main le sein que vous viendrez tourmenter.

La menthe qui m'irradie du plus profond de moi.
L'attente que j'ai de lui est si alors grande que sa brûlure sonne comme une béance.
Je suis un vide qui flambe.
Je suis une cavité qui se consume de ne pas être emplie de lui.
Je suis un gouffre qui s'embrase de son absence.

Des liens qui me captivent, me maîtrisent et m'apprivoisent.
Je ne me souviens alors plus de rien — si ce n'est que la peur avait fui désormais pour l'envie — si ce n'est la joie de m'y lover, enfin de m'y abandonner et d'accepter avec ivresse ce que j'ai infiniment envie d'être : sa soumise.

Des corps qui se dévorent l'un l'autre.
Des corps qui se partagent, se troquent et se vouent.
Des corps qui se cherchent et se chevillent l'un à l'autre.
Il se dit que Morphée lui-même n'est pas parvenu à les délier tellement ils s'étaient enchâssés.

dimanche 21 mai 2006

De bronze, de cuir et de prodige

Où Gabrielle dévoile l'une des sources du tumulte
collier en cuir et en bronze

Le silence des émotions.

ÉPREINDRE et ÉPRENDRE : quand un iota les sépare

Il arrive parfois que la plume ne sache plus faire glisser l'encre sur le papier.
On a beau la tailler, la polir et l'abreuver, elle reste alors rétive et chaque mouvement du poignet n'aboutit qu'à écraser un méchant pâté sur la blanche feuille sagement lignée.
Il arrive parfois que je ne sache plus comment parvenir à faire un billet des émotions si vives qui m'ont saisie et emportée un soir de mai.
Parce qu'elles sont démesurées, parce qu'elles se partagent et se patinent d'une indéfinissable tendresse, elles en deviennent intimes. Curieux sentiments qui se mêlent et s'entremêlent à elles pour lover ces souvenirs si profondément en soi ; curieux sentiment qui vous suggèrent que les exposer c'est déjà un peu les altérer.
A moins qu'il ne suffise simplement que je m'en délecte tout mon content pour réussir à les coucher sur le papier. Leur richesse expliquerait alors qu'il me faille un peu de temps...

vendredi 19 mai 2006

Affût et expectative


quand les rayons perçent un nuage
Crédit photographique : Michal Koralewski

lundi 15 mai 2006

L'angle du cou et la douceur de vivre


Une femme, le front incliné, le cou ployé


C'est à moi, la véhémente qui a élevé au rang d'un art consommé sa liberté, son indépendance et son franc parler, qu'il me plaît de ployer le cou devant lui.
En moi que l'envie naît de fermer les yeux et de courber l'échine, goûtant à n'en plus finir les vertigineuses émotions de mon allégeance.
C'est à lui que j'ai envie d'obéir. En lui que je mets ma foi, me départissant de ma volonté pour m'en remettre à la sienne exclusivement.
En lui qu'il me plaît de croire, choisissant l'abandon plutôt que les hésitations, décidant de me livrer à son gouvernement au lieu de tergiverser dans mes propres embarras.
Mais s'en déférer à lui c'est surtout un immense vertige, c'est savourer un plaisir confus, intense et profond. Ce n'est pas seulement se départir de ses atermoiements pour laisser son corps vivre ; pas plus que de s'autoriser à goûter enfin les tourments. Non c'est beaucoup plus puissant que tout cela réuni. C'est la mesure de la confiance que je mets en lui lorsqu'à son autorité je m'abandonne, c'est l'impérieuse liberté de choisir en mon âme et conscience de me soumettre à lui, c'est également la capitulation de ce que chacun perçoit voire attend de moi, c'est le renoncement à ce que je suis aussi.
Alors un rien honteuse mais infiniment éperdue j'attends ses souhaits, manifestations de son autorité qui m'autoriseront à ne pas douter que je lui appartiens, que je lui obéis. Et que ce faisant je m'oublie le plus efficacement et le plus prodigieusement qu'il soit possible de rêver. Se donner pour s'échapper, être à lui pour se fuir.
Et enfin se laisser vivre...

mercredi 10 mai 2006

Autant crainte que convoitée


une cravache

lundi 8 mai 2006

Privation de liberté ou liberté d'expression

Où Gabrielle est ceinte et livrée, à lui, et surtout à elle-même
ÉPREINDRE, verbe trans.

Vx, rare
A. [L'obj. désigne un fruit, une herbe] Presser entre les doigts pour en faire sortir le jus ou le suc. Épreindre des herbes (Ac. 1798-1932); citron épreint (DG).
P. méton. [L'obj. désigne le liquide contenu dans le fruit] Faire sortir par pression. Épreindre du verjus; épreignez-en le suc (Ac. 1798-1932). Synon. exprimer.
B. Au fig. Tourmenter, assaillir de toutes parts. Synon. presser. N'est-ce pas affreux de se laisser ainsi épreindre et harceler sans répit par l'Esprit de Malice (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 121).
Prononc. et Orth. : [], (j')épreins []. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. Cf. atteindre. Étymol. et Hist. 1. Fin XIIe s. espriemere par parolle [loqui] (Gregoire Ezechiel, 22, 23 ds T.-L.); 2. ca 1275 « presser pour faire sortir le jus » (J. DE MEUN, Roman de la Rose, éd. F. Lecoy, 7436). Du lat. exprimere (v. exprimer). Fréq. abs. littér. : 1.


Une corde de chanvre enlacée sur elle-même sur le plancher d'une chambre

Fiat Lux

Pleine journée, chaude et exquise où, dans un claquement de doigt, se fomente une coupable escapade dans ma vie trop remplie. Comme une croisée que l'on entrouvrirait sur un jardin secret dont les silences abritent des soupirs et où les couleurs de ses fleurs semblent plus vives que partout ailleurs. Une croisée que l'on enjamberait vers une impérieuse école buissonnière. Instant suspendu dans la ville et le temps où malgré la turbulence de la première et la course du second, nous nous retrouverons l'un et l'autre. Instant précis où plus rien ne compte si ce n'est de chercher son cou et de m'y cacher pour mieux m'y perdre mi-hatelante, mi-honteuse, où attoucher son corps, respirer son odeur est déjà une ivresse puisque désormais parfaits synonymes de vertiges et d'abandon sans cesse renouvelés. Hâte, envie, fièvre, les mots sont trop courts pour dire comment le désir tord le ventre, frisonne sur la peau et m'enserre à ses yeux.

Point de pénombre où se dérober, dans la riante clarté d'un jour de mai, je devine déjà qu'il me faudra tout lui abandonner, mes sens et ma pudeur, mon corps et mes émotions les plus secrètes. C'est dans la lumière que la corde noire m'a ceinte et livrée. Lentement nouées, ses voltes et virevoltes sont venues m'embrasser, bientôt me flatter et puis inexorablement m'ouvrir et m'offrir. Captive sous l'amarre, captive de mes sens, captive de ses mains, de sa bouche, de sa patience et de son inflexible volonté.

Ce jour, il n'y aura point de marque ou de maux. Ce jour, il n'y aura que sa formidable obstination à me faire chavirer dans l'éther. Celui où l'on respire plus fort pour mieux s'y noyer, où l'on fait silence pour mieux y entendre ses propres cris. Celui où l'on supplie que non avant d'être terrassée de volupté. Celui où les voltes se révoltent quand le corps s'arque sans savoir s'il faut fuir ou s'offrir, quand le corps vacille sous les doigts opiniâtres et minutieux qui vous irradient et vous dévorent, quand le corps tremble sous sa bouche sous laquelle je me fends et révèle mes plus brûlants frissons,  quand le corps cède à cette main qui vous prend et vous emporte au plus profond des abandons.

Divine contrainte que celle de devoir se plier aux vertigineux plaisirs qu'il m'offre et m'inflige avant d'être submergée, presque contre mon gré par un souffle puissant et violent qui me vainc et me ravit, divine contrainte qui me jette dans ses bras abandonnée, émerveillée et suffoquée. Ahurie d'émotions, éperdue et conquise de cette relation qui ne devait pas en être une...

lundi 1 mai 2006

Instance et marque déposée

Où Gabrielle implore Charybde et Scylla

Tout mélanger. L'attente et l'envie. Sans savoir laquelle est la plus douloureuse. Mais ressentir au plus profond de moi combien la seconde est impérieuse.
Enfin, mélanger mes doigts avec les siens et bientôt ma langue avec la sienne. Laisser enfin l'envie me tordre davantage, laisser enfin aller le désir qui aura raison de ma raison, celui qui me crie de dire oui, quand je devrais dire non, celui qui distend mon corps arqué à se rompre vers ses caresses et ses tourments.

Mélanger les sens. Ceux-là même qui se troublent quand je n'esquive pas les offenses mais les convie, quand je ne me dérobe pas à la douleur mais la prie et l'exhorte.
Et puis quand l'attente s'achève et perdre le souffle et bientôt la tête. Ne plus seulement le respirer mais le goûter. Moment suspendu où les corps réclament leur dû, se heurtent et se dévorent. L'attente était trop longue et le désir trop grand pour que scénarios ou fantasmagories ne trouvent la force de vaincre la fièvre, la faim et la soif réunies. Tumulte de draps, de chaleur et de membres où je ne sais plus très bien ce qui m'ouvre et me dévore.

M'offrir et tout prendre. Tendre un sein aux doigts qui le froisseront, l'espérer, le présenter pour mieux le mettre en péril et goûter l'ivresse de l'élancement qu'ils procurent. S'ouvrir si profondément que peu m'importe de savoir ce qui me prend. Une bouche qui me mord et qui me fera bientôt cambrer les reins. Une main qui me tord et qui sous peu se coulera au plus profond de moi, abrégeant mon souffle et étirant mes soupirs dans de longues plaintes de plaisir. Tout lui offrir sans modération, sans faux-semblant.

Tout prendre aussi. Avec pudeur parfois mais sans tiédeur.
Gourmande voire insatiable.
Déguster le sucre de son parfum, la douceur de sa peau, la fermeté de ses angles. Irrépréssible besoin de m'y presser, de l'éteindre et de m'y fondre. Terres d'oublis et de rêves où hier n'existe plus et demain n'a pas d'importance. Odyssée de plaisir où je cherche Charybde et Scylla pour mieux plonger dans l'abîme. Parcourir ses doigts de ma langue, m'aboucher à son corps, au plus profond de ma gorge, ressentir son plaisir et aussi le goûter. Oublier le reste du monde si ce n'est ses cris à lui et l'envie qui me taraude de les faire jaillir.

Et puis quand chacun, trop ardent et impatient, a mangé à la trémie de l'autre, quand les souffles d'erratiques sont devenus apaisés, sentir soudainement ses mains venir prendre ma soumission ; sans hésitation ni préambule, sentir la corde se jouer et se tresser entre épaules et poignets. Rapprochant mes bras avec lenteur et régularité, entre caresse et dureté, aimer ses lacs et plus encore ses entrelacs, aimer la douceur de la fibre puis sa force lorsqu'elle se tend, inexorablement, m'offrant à ce que j'aime autant qu'à lui-même. Ne pas savoir mon sort, m'en moquer éperdument dès lors qu'il est entre ses mains. Et puis subitement, sans avoir eu le temps d'anticiper le coup, sentir le soufflet de la cravache faire tressaillir mon corps. Avec une force qui me surprend à chaque fois. Avec une brûlure qui me jette dans l'esquive. Violente et lancinante lanière à laquelle malgré mes tentatives je ne puis me dérober. Ne sachant plus des tourments qu'elle me procurent si je les espère ou les crains. Ne sachant plus si je disais oui en disant non. Suspendue à sa main, cherchant à deviner où le coup s'abattra, apeurée autant qu'éperdue, craintive autant qu'exaltée.

Ivresse des sensations où le plus troublant n'est pas toujours là où on le croit et où la marque déposée la plus efficacement n'est pas nécessairement la plus visible, quand bien même serait-elle en forme de croix.