Où Gabrielle est ceinte et livrée, à lui, et surtout à elle-même
ÉPREINDRE, verbe trans.

Vx, rare
A. [L'obj. désigne un fruit, une herbe] Presser entre les doigts pour en faire sortir le jus ou le suc. Épreindre des herbes (Ac. 1798-1932); citron épreint (DG).
P. méton. [L'obj. désigne le liquide contenu dans le fruit] Faire sortir par pression. Épreindre du verjus; épreignez-en le suc (Ac. 1798-1932). Synon. exprimer.
B. Au fig. Tourmenter, assaillir de toutes parts. Synon. presser. N'est-ce pas affreux de se laisser ainsi épreindre et harceler sans répit par l'Esprit de Malice (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 121).
Prononc. et Orth. : [], (j')épreins []. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. Cf. atteindre. Étymol. et Hist. 1. Fin XIIe s. espriemere par parolle [loqui] (Gregoire Ezechiel, 22, 23 ds T.-L.); 2. ca 1275 « presser pour faire sortir le jus » (J. DE MEUN, Roman de la Rose, éd. F. Lecoy, 7436). Du lat. exprimere (v. exprimer). Fréq. abs. littér. : 1.


Une corde de chanvre enlacée sur elle-même sur le plancher d'une chambre

Fiat Lux

Pleine journée, chaude et exquise où, dans un claquement de doigt, se fomente une coupable escapade dans ma vie trop remplie. Comme une croisée que l'on entrouvrirait sur un jardin secret dont les silences abritent des soupirs et où les couleurs de ses fleurs semblent plus vives que partout ailleurs. Une croisée que l'on enjamberait vers une impérieuse école buissonnière. Instant suspendu dans la ville et le temps où malgré la turbulence de la première et la course du second, nous nous retrouverons l'un et l'autre. Instant précis où plus rien ne compte si ce n'est de chercher son cou et de m'y cacher pour mieux m'y perdre mi-hatelante, mi-honteuse, où attoucher son corps, respirer son odeur est déjà une ivresse puisque désormais parfaits synonymes de vertiges et d'abandon sans cesse renouvelés. Hâte, envie, fièvre, les mots sont trop courts pour dire comment le désir tord le ventre, frisonne sur la peau et m'enserre à ses yeux.

Point de pénombre où se dérober, dans la riante clarté d'un jour de mai, je devine déjà qu'il me faudra tout lui abandonner, mes sens et ma pudeur, mon corps et mes émotions les plus secrètes. C'est dans la lumière que la corde noire m'a ceinte et livrée. Lentement nouées, ses voltes et virevoltes sont venues m'embrasser, bientôt me flatter et puis inexorablement m'ouvrir et m'offrir. Captive sous l'amarre, captive de mes sens, captive de ses mains, de sa bouche, de sa patience et de son inflexible volonté.

Ce jour, il n'y aura point de marque ou de maux. Ce jour, il n'y aura que sa formidable obstination à me faire chavirer dans l'éther. Celui où l'on respire plus fort pour mieux s'y noyer, où l'on fait silence pour mieux y entendre ses propres cris. Celui où l'on supplie que non avant d'être terrassée de volupté. Celui où les voltes se révoltent quand le corps s'arque sans savoir s'il faut fuir ou s'offrir, quand le corps vacille sous les doigts opiniâtres et minutieux qui vous irradient et vous dévorent, quand le corps tremble sous sa bouche sous laquelle je me fends et révèle mes plus brûlants frissons,  quand le corps cède à cette main qui vous prend et vous emporte au plus profond des abandons.

Divine contrainte que celle de devoir se plier aux vertigineux plaisirs qu'il m'offre et m'inflige avant d'être submergée, presque contre mon gré par un souffle puissant et violent qui me vainc et me ravit, divine contrainte qui me jette dans ses bras abandonnée, émerveillée et suffoquée. Ahurie d'émotions, éperdue et conquise de cette relation qui ne devait pas en être une...