Pensées fugitives à l'ombre d'un palais byzantin

Gabrielle mordillait le capuchon de son stylo, sourcils
froncés et mine courroucée.
Comment l'écrire ?
Des pattes griffonnées et bientôt
biffées, des pâtés d'encre charbonneux
maculaient maintes pages de son moleskine.
Mais comment le dire ?
Lignes serrées, lignes rayées. Les
zébrures s'accumulaient.
Comment le décrire ?
J'ai trop usé de mots par le passé, je les ai
délavés, je les ai usés ; et
maintenant que j'ai besoin d'eux ils sont trop
émoussés pour traduire ce qui m'advient !

Gabrielle mordillait l'extrémité de sa plume
assise sur un robuste banc de chêne.
Au creux de ses reins irradiait encore la cire dont il l'avait
inexorablement parée.
Son séant pressé sur le bois trop dur palpitait
des tourments dont elle portait haut les couleurs.
Et le dossier qu'elle pressait contre son sein se faisait
étau quand il n'était qu'effleurement.
Peut-être pour qu'ainsi perdure le troublant plaisir de
sentir ses doigts la meurtrir encore et encore.

Gabrielle mordillait son capuchon et se souvenait comment d'antan,
venaient la tarauder ces lendemains
désillusionnés.
Comment, passée la chaleur de la nuit, loin de la bulle
capitonnée qui protègent la fougue des amants,
leur véhémence et leurs confidences, elle fuyait
les traces que lui renvoyait son impitoyable miroir.
Comment les descentes étaient mordantes, comment les
paillettes de la nuit s'éteignaient salement au matin,
comment avec elles disparaissait cette fugitive et nocturne Gabrielle.

Capuchon entre les dent, elle savourait désormais l'insigne
nouveauté.
Capuchon entre les dents, fesses contre chêne, elle jouissait
de se savoir à lui, plaisirs d'autant plus profonds qu'ils
étaient confiants.
Capuchon entre les dents, loin de lui, loin des instants de magie, elle
se surprenait
... à goûter ses marques
... à aimer ses fers
...
C'est ce que Gabrielle a écrit le
mercredi 28 novembre 2007 à 22:26
au chapitre épîtres & abrégés, page #52
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