Où Gabrielle confirme ses aveux et réitère ses voeux
Ébauche d'une intention délictueuse

Chercher les mots des émotions dont j'étais en quête c'est aussi poursuivre la nuit dont on aurait voulu qu'elle ne prenne fin autant que de vaincre ma pudeur.
Il me faut donc m'efforcer de passer le cap et les coucher sur le papier aussi inexorablement que je me suis offerte à ses caresses.

Affiche publicitaire de Bernard Villemot pour la SNCF:« Une nuit en voiture-lit »— 1973

Affiche publicitaire de Bernard Villemot : « Une nuit en voiture-lit »— 1973
Corpus delicti

Retrouver un corps encore inconnu et déjà su. Impatiente mais sans hâte. Sans nulle autre souhait que de ne rien chercher mais de tout prendre, sans la moindre hésitation. Prendre les frissons, les ivresses, les tendresses et les outrages aussi. Ne plus savoir ce que l'on prise le plus, la douceur où les tourments. Perdre mes esprits et puis perdre les sens. Aimer le bruit des lanières avant même d'en aimer l'impact.
Se délecter de ne pouvoir s'y dérober avant de comprendre que les liens ne me maintiennent. Il m'est désormais certain que sans eux je ne me serais pas soustraite un seul instant à la cinglante piqûre du cuir ou de la main. J'étais bien trop avide pour ne pas m'y offrir, bien trop gourmande pour ne pas me tendre et abandonner à la soumission ce corps affamé. Les liens n'aliènent rien, les liens offrent, les liens exposent. Et si je les aime tant c'est qu'ils réclament inexorablement leur part d'offenses autant qu'ils me dédouanent d'implorer pour recevoir celles-ci. Peu importe que je n'en sois dupe, ils sont la permission de mon abandon. Celui d'aimer le mal que cela fait, celui de procurer le bien que trop souvent je fuis. Celui aussi de ne plus rien attendre de soi, uniquement tournée vers la main de l'autre. S'oublier et puis quérir.
Et puis les oublier aussi, se passer d'eux, se contenter de la chaleur et de l'ardeur de deux corps qui se trouvent et qui se goûtent. Longtemps.

Et puis quand la nuit prend fin, qu'il faut bien se résoudre à les séparer ces corps avides, et se fondre dans le moule d'un quotidien convenable, conserver et savourer à l'insu de tous, un coin de paupière irrité par l'émeri d'une joue et la légère éraillure d'un sein mordillé.