Ceux qui s'impriment, qui mettent en relief et isolent l'essentiel pour mieux l'offrir à l'autre


On ne peut tout écrire.
On peut décrire les mouvements. Ceux du corps et  même ceux de l'âme.
Furioso, Moderato Cantabile ou Largo Con Gran Espressione, tous les tempos se dictent.
On peut dire les couleurs. Le rouge, le noir et l'or.
On peut aussi esquisser les lueurs, celles qui déflorent la nuit et parent les corps.
On peut chanter les poèmes. Sur ton uni ou sur des cris.
On peut taire les rires et s'en souvenir intensément.
On peut fredonner les ravissements, les enthousiasmes et les exaltations.
On peut noircir de mots des pages entières.
Les raturer pour mieux les livrer.
Les caresser pour mieux les plier.

On dessine des traits.
On dore le cadre.
On brosse l'histoire comme d'autres brossent la poussière.

Sauf qu'un jour on sanglote après l'extase.
Sauf qu'un jour, les doigts noirs de l'encre que l'on a fait rouler sur le papier, on pose sa plume et puis bientôt sa tête dans ses bras.
Sauf qu'un jour on sait bien que l'on ne pourra pas dire les regards, dire les silences, dire les baisers et encore moins traduire ce qui est rire, joie, espoir et gravité à la fois.
Sauf qu'un jour on sait bien que l'on tait l'essentiel. On tait l'intense. On tait l'essence.

Insensée je suis peut-être. Intrépide sûrement.
Résolue incontestablement : si on ne peut tout écrire, cela ne veut pas dire qu'on ne peut le vivre.

Et sans doute mordre la poussière...